INSERM – 2015 & 2017


Le projet La recherche de l’art :

Depuis 2011, un partenariat a été instauré entre les laboratoires de l’INSERM et l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles permettant à de jeunes artistes de produire des oeuvres au sein d’unités de recherches spécialisés.

Ce projet, La recherche de l’art, auquel j’ai eu l’opportunité de participer à deux reprises en 2015 et 2017 s’inscrivait naturellement dans mon intérêt prononcé pour la recherche scientifique.

Avec La recherche de l’art, le laboratoire devient un centre d’investigation photographique. Un lieu d’exploration et de découvertes, où l’art fait apparaître la science autrement. L’étude de la matière vivante devient matière d’inspiration, étudiée par l’artiste. 

Inserm – Rétrospective La recherche de l’art du 12 octobre 2016 – 31 août 2017 au Palais de la Découverte (Paris)

Du Rayonnement (Caroline Bernard, Enseignante ENSP) :

L’individu ne perçoit du rayonnement que les ondes de la lumière visible et la photographie, fondée sur les mécanismes de notre perception visuelle, fait état de ce champ du visible. L’imagerie médicale, thématique retenue pour cette quatrième collaboration entre l’ENSP et l’INSERM, franchit quant à elle les limites de nos capacités visuelles en observant d’autres rayonnements comme les rayons X ou gamma. En dépassant le spectre du visible, l’imagerie médicale triomphe ainsi de la perméabilité du corps en permettant de voir au-delà des chairs, dans l’intimité de notre intériorité.

Une intimité sacrée au point que les étudiants en résidence dans les laboratoires ne peuvent pas toujours utiliser les images produites par ceux-ci. Trop bavardes, elles nécessitent d’être anonymisées pour ne pas trahir l’intérêt souverain du patient, les images tombent également sous le coup du secret de la recherche. C’est de cette opacité légitime que Florian Da Silva traite dans son projet Pub-Med. La liste des publications des chercheurs, absconse pour les non initiés, se déroule sur panneau défilant. Indice d’une mesure qui nous échappe, à l’image des cotations boursières, il se joue pourtant dans cette accumulation bibliographique la reconnaissance du chercheur par ses pairs et le financement de ses recherches.

Les images médicales exercent aussi une résistance pour des photographes habitués à cadrer leur sujet. Tétanisantes par la force de leur expression scientifique et plastique, ces images semblent enclore les plus grandes finalités, celles de la vie et de la mort, celles de la chair et de l’esprit. Les étudiants ont fait un pas de côté pour pouvoir entrer en dialogue avec elles et pouvoir se les approprier. Dans Error 203, Florian Da Silva sonde ce qui échappe au scientifique dans des clichés laissés au rebut; réalisés au scanner, ils sont impropres à l’interprétation médicale à cause de la présence de scories. En les associant à des planches anatomiques altérées, il réinvente un vocabulaire à mi-chemin entre science et fiction. […]

Travaux réalisés dans le cadre d’une résidence au sein des laboratoires d’Imagerie Biomédicale de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale, Hôpital de la Pitié Salpétrière, Paris) en collaboration avec l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie (2014-2015, Arles).

Pub Med – vue d’accrochage, Rencontres internationales de la photographie, Arles, 2015

Error 203 – vue d’accrochage, ensemble de quinze impressions (formats variables)

Yannick Vernet (responsable des projets numériques de l’ENSP) :

Florian Da Silva questionne les modalités de la recherche scientifique. S’éloignant des appareillages sophistiqués et des machines hautement technologiques qui peuplent les laboratoires, il porte son regard sur les objets du quotidien qui hantent les paillasses : pinces; marqueurs; gommettes; tubes; vernis, etc. Anodins de prime abord, ces derniers permettent pourtant d’extraire, de saisir, d’isoler, de révéler. Ils sont à la base de toute expérience scientifique.

Les images de Florian Da Silva sont des programmes d’actions. Semblant montrer des objets figés dans leur solitude, leur apparente pauvreté, elles donnent surtout à voir ces gestes qui sont, selon l’expression de Michel Guérin, « le voeu d’une parole fantôme ».
D’une part, ils présentent la trace de ce que nous exécutons, d’autre part ils portent en eux la mémoire profonde et archaïque de cette technicité. Ils représentent une schématisation par le corps et attestent, nous dit le philosophe, d’un « vouloir- dire animal » qui nous aide sans doute à dépasser notre propre condition humaine.

▷ Objet(s) de Recherche

Protocole « Observation / Restitution » mis en place après la période de résidence :

Lieu : Inserm / CRCL – Lyon

Technique observée : Western Blot (électrophorèse de protéines sur gel). Utilisation pour identifier une protéine dans un échantillon contenant plusieurs protéines.

Mode opératoire simplifié : les protéines d’un échantillon sont séparées par électrophorèse en fonction de leur poids moléculaire. Un anticorps spécifique est ensuite utilisé pour détecter la protéine d’intérêt. Le résultat permet de déterminer le poids moléculaire et la quantité relative de la protéine.

Étapes : préparation et traitement des échantillons protéiques à tester ; préparation du gel de polyacrylamide ; migration et séparation des protéines dans le gel par électrophorèse ; transfert des protéines sur une membrane (nitrocellulose, nylon) ; marquage des protéines et incubation avec l’anticorps primaire ; lavage ; incubation avec anticorps secondaire «fluorescent» ; lavage ; détection sur film photosensible.

Lieu : ENSP – Arles

Technique utilisée pour la restitution : Gomme bichromatée. Méthode photographique pigmentaire dite par «insolubilité» qui produit comme image finale un relief du pigment colloïde.

Mode opératoire simplifié : prises de vue et réalisation d’un contretype. Préparation du support papier et de l’émulsion sensible permettant de réaliser l’image définitive. Réalisation de la gomme bichromatée en chambre noire.

Étapes : réalisation et impression d’un contretype inverse de l’image à obtenir ; mouillage papier ; gélatinage papier ; séchage ; préparation de la gomme arabique ; fabrication de l’émulsion sensible composée de bichromate de potassium + gomme arabique + pigment ; couchage de l’émulsion ; séchage ; exposition à lumière UV du contretype + émulsion sensible ; développement dans de l’eau par dépouillement.

Objet(s) de Recherche – Contretype

Objet(s) de Recherche – Gomme bichromatée de la colonne d’azote sur papier Arches Aquarelle grain frin 300gr

Vues d’exposition – Objets à la gommes bichromatée

▷ Réitérations

Cette réitération se retrouve dans les quatre photographies de traces de sol visibles dans la troisième salle de l’exposition – quatre photographies de linoléum prises devant des postes de culture cellulaire dits « poste de sorbonne » – Signes d’une activité humaine sans cesse répétée, leurs ancrages dans le sol est, pour moi, comme une empreinte de ce temps passé à réaliser inlassablement les mêmes gestes.

TRACES d’activité de la recherche scientifique

Vue d’exposition, Rencontres de la photographie d’Arles 2017 – Quatre photographies contrecollées sur dibond, 80 x 100 cm.

Extraits de la publication – La recherche de l’art #6